Pour le festival Off Avignon, le fond de l’air est…fret !
Lancée l’an dernier à titre expérimental par Avignon Festival & Compagnies, soutenu par l’ASTP, l’opération le Off sur de bons rails propose aux compagnies et aux théâtres de transporter leurs décors par le train, entre l’Île-de-France et Avignon avec une extension cette année aux professionnels des Hauts-de-France. Ce dispositif a été initialement impulsé par Samuel Valensi, co-auteur du rapport « Décarbonons la culture ! » pour The Shift Project.
Concrètement, une vingtaine de structures, représentant trente spectacles, ont franchi le pas en 2024. Résultat : 19 tonnes de CO² en moins dans l’atmosphère et 50 000 kilomètres routiers évités grâce au transport mutualisé de 340 m³ de décors dans cinq containers. « L’objectif pour 2025 est d’atteindre cent compagnies et théâtres » explique Antoine Radal, chargé de projets RSE au sein d’AF&C.
Le principe est simple : les théâtres et compagnies intéressés apportent leurs décors jusqu’à une plate-forme logistique située dans le Val-de-Marne ou à Lomme (Nord). Là, ils sont chargés dans un container, dédié ou mutualisé, acheminé par rail au Pontet, à quelques kilomètres d’Avignon. Reste alors à les véhiculer sur les lieux des représentations. C’est l’opérateur LOMAK, spécialisé dans le rail-route, qui se charge de l’acheminement des containers depuis l’Ile-de-France ou les Hauts-de-France jusqu’à Avignon.
Pour convaincre au-delà du cercle des acteurs militants ou déjà convaincus de la nécessité de s’engager dans la décarbonation, ses promoteurs apportent des arguments bien concrets : « cela m’a coûté moins cher et j’ai gagné en tranquillité » témoigne ainsi la comédienne et directrice artistique de compagnie Marie-Claire Neveu, administratrice déléguée à l’éco-transition au sein du Conseil d’Administration d’AF&C. En effet, l’opération, d’un budget estimé à 160 000 € cette année, est largement soutenue par différents partenaires institutionnels (la Région Sud, l'ADEME, la Région Ile-de-France, le CNM, le Grand Avignon), ce qui permet aux théâtres et compagnies de ne payer que 10 % du coût réel de la prestation. Et plus elle s’étendra, plus les coûts seront mutualisés et réduits.
Après l’expérience déjà très positive de l’an dernier, des améliorations sont prévues, notamment pour aider à gérer les écarts d’arrivées entre les décors et les compagnies. « Le Grand Avignon met à la disposition d’AF&C un lieu de stockage » précise Antoine Radal. D’autre part, AF&C va recruter des manutentionnaires pour aider les compagnies et théâtres à décharger les décors. Tout est pensé pour faciliter le travail. « C’est vrai que ça bouscule un peu les habitudes, mais nous sommes dans une logique d’adaptation sociale, qui demande de l’engagement » reprend Marie-Claire Neveu.
Les théâtres sont bien évidemment des partenaires clés, qu’ils soient producteurs ou même simples programmateurs. « Certains sont des relais d’informations pour les compagnies qu’ils programment, d’autres sont plus engagés concernant ce dispositif » poursuit la comédienne. L’an dernier, le Théâtre des Béliers, le 11 Avignon et le Théâtre du Train Bleu ont ainsi largement contribué à remplir les containers. « Lorsqu’un théâtre nous prend un container complet, une bonne partie des contraintes de la mutualisation disparaissent et le service ferroviaire est sur mesure » conclut Antoine Radal. D’ailleurs, l’enquête menée auprès des bénéficiaires l’an dernier a révélé un très haut niveau de satisfaction !
Le Off est sur de bons rails, et vous ? Les places sont limitées et les inscriptions seront closes le 30 avril : rejoignez vite l’opération en envoyant un mail à rse@festivaloffavignon.com
Engagez-vous !
Retour d'expérience : trois questions à Frédéric Thibault
Codirecteur du Théâtre des Béliers à Paris et Avignon, vous avez bénéficié l’an dernier du service de fret ferroviaire pour vos décors : quel bilan en tirez-vous ?
C’est intéressant parce que je peux comparer. Depuis quelques années, aux Béliers, nous descendions avec une semi-remorque remplie avec du matériel technique, nos décors, et puis avec la place qui restait, les décors des compagnies qui jouaient chez nous et qui n’avaient pas tellement de solutions. On emmenait les vélos, les poussettes, on emmenait tout ce qu'on pouvait. Le container arrivait dans la rue à Avignon et comme nous avons une grosse équipe de techniciens sur place, il était vite déchargé.
Pour l’opération fret, nous travaillons de la même manière, c'est-à-dire qu'on invite tous les spectacles qui vont jouer au Béliers cet été à mettre leurs décors dans notre container. Mais maintenant, il part par le train. C’est formidable pour la planète mais aussi pour tout le monde parce que faire le voyage en train, c’est nettement mieux que 9 heures de camionnette. Économiquement, on a divisé le coût pratiquement par quatre. Je le dis à mes collègues : engagez-vous !
[Suite ci-dessous]
“Produits, diffusés, peu importe : on invite tous ceux dont les spectacles vont se jouer au Béliers cet été à mettre leurs décors dans notre container qui partira en train. C'est l’une des vertus de cette opération : la coopération, la transversalité. ”
Frédéric Thibault, codirecteur du théâtre des Béliers
Retour d'expérience sur l'opération
Les compagnies que vous diffusez comme celles que vous produisez peuvent bénéficier du service ?
Absolument. Produites, diffusées, peu importe, il n'y a pas de différence. Nous sommes dans le collectif. L’an dernier, pour la première année, c’était une opération à trois théâtres et nos trois directeurs techniques ont travaillé ensemble pour essayer de trouver les solutions les plus adaptées à chacun. C’est aussi l’une des vertus de cette opération : la coopération, la transversalité. Cette année, mon directeur technique ne m’a même pas posé la question de savoir si on prenait des camions. Il m’a dit : je m'occupe d'organiser le fret !
Vous êtes membre du groupe de travail dédié à la transition écologique au sein de l’ASTP et au sein de l’opération fret d’AF&C, vous avez aussi des responsabilités particulières. Pourquoi cet engagement ?
AF&C m’ont sollicité car l’opération nécessitait quelqu’un issu du théâtre privé et qui rayonne sur la région Île-de-France : les Béliers étaient tout à fait aptes à le faire. Et bien sûr, il y a mes engagements personnels, je n'avais pas besoin d’être convaincu. Je me suis occupé du dossier de subvention auprès de la Région, et ce n’était pas simple ! J’essaie aussi de convaincre tous ceux qui ont entendu parler de l’opération et qui me demandent des renseignements. Je les renvoie vers AF&C et le site web du Off, très complet. Et j’essaie de rendre l’opération la plus attractive pour les convaincre ! C’est un travail de longue haleine et j’espère que cela va porter encore ses fruits cette année.
Au sein du groupe de travail de l’ASTP, nous entreprenons aussi pas mal de choses pour essayer de devancer le moment où on devra subir pleinement les impacts du réchauffement climatique et le cadre légal et réglementaire qui évoluera nécessairement. C'est un engagement de tous les jours.
Crédit photo Déchargement container ©AFC
Propos recueillis par Charles Marat